Hej,

Récit d'un parcours de voyage le long des côtes du Danemark, alliant le vélo comme moyen de déplacement et la pratique du kitesurf au gré des opportunités, sur une vingtaine de jours.
L'idée de départ & préparation :
L'idée de départ est celle d'Hélène, ma compagne, de repartir à vélo en mode cyclotourisme et elle avait des désirs de contrées scandinaves. Suède et Norvège, je connais déjà en mode routard et Interrail, ce ne sont pas des destinations faciles en termes de moustiques ou de reliefs.
Le pays des trolls (https://www.opdagdanmark.dk/en/trolde-kort-danmark/) est donc devenu une évidence, c'est plat (voir la série danoise "Family Like Ours" sur l'avancée des eaux), il y a du vent et une longue côte. Je signe mais je ne peux imaginer ne pas kiter là-bas. Mais pour résoudre l'équation, il va falloir trouver la variable : c'est KUL, pour kite ultra léger. Bon, au final, pas tant ultra que ça car j'ai quand même envie d'avoir toutes les chances de mon côté. On va dire "assez léger" !
Côté itinéraire, l'idée de départ est de rejoindre la frontière entre le Danemark et l'Allemagne en voiture. Puis de poser cette dernière et pédaler en longeant la côte ouest, arriver au nord du Jutland, redescendre la côte opposée jusqu'à Aarhus puis visiter la capitale. Donc Eurovélo 1 ("Atlantic Coast Route") puis la route 5 de l'East Coast.
Finalement, le point-frontière est mal desservi par le train, on choisit donc de partir de la banlieue de Hambourg puis de rejoindre Esbjerg plus au nord.
Côté matériel, pas question de me trimbaler un foil. J'opte donc pour un surf et j'ai profité des 10 ans de ma Matata pour la mettre en pré-retraite et partir sur une no-volum du même fabricant. Je prends le risque de partir avec une planche neuve (et assez chère) mais le critère poids a été déterminant, je suis à 4,8 kgs avec la housse :

Je fais simple avec une seule barre et mon harnais d'escalade qui me sert l'hiver, doublé avec des manilles textile faites maison pour ma sécu Wichard :

Trois voiles (5 kgs), que du caisson of course (12, 9 et 4,5).
Avec la planche et une trousse de répa, je suis à 14,3 kgs pour le kite :

Et comment porter tout ça ? J'ai hésité à prendre ma charrette à plateau, très stable avec deux petites roues mais elle fait 8 kgs. Cela m'embête un peu pour le train. Finalement, Alexis me prête sa mono-roue, je gagne 50% du poids et de l'envergure....
Essai d'attelage, mon vélo seul est à 15,5 kgs (il a bien 25 ans et il a déjà bien roulé sa bosse). Je rajoute normalement 2 grandes sacoches à l'avant (affaires perso) pour équilibrer la charge :

Sur la route, on va utiliser les shelters (une appli existe), nombreux au Danemark et économiques. On prend une tente au cas où mais on sera en mode camping. Sinon, bivouac interdit dans le pays et vie chère comme dans les pays scandinaves. Mais, à vélo sur la route, on peut plus facilement flairer les bons plans.
Pour ma part, le gros de la préparation s'est porté sur les vélos (entretien complet, changement de pièces - mes shifters d'origine !, porte-sacoches avant et réglages ainsi que la préparation d'un kit répa.
Reste à préparer le matériel de camping réduit au strict minimum, la tente et mon couchage sont déjà dans le grand sac rouge.
Place au voyage......
Départ en voiture de Haute-Savoie le vendredi 18 juillet pour 1040 kilomètres, direction Hittfeld, à une vingtaine de kilomètres au sud de Hambourg. C'est bien la première fois que nous roulons totalement sur autoroute sans péage (Suisse + Allemagne) : pas facile néanmoins le trajet en Allemagne, forte densité de circulation et travaux dont la gestion en termes de signalétique, circulation et sécurité ferait peur à nos professionnels. Nuit à l'hôtel puis, le lendemain, on laisse la voiture sur un P+R à proximité de la gare locale pour rallier la gare centrale de Hambourg. S'ensuit un trajet en plusieurs trains (X4) pour atteindre la frontière danoise à Tønder puis un charmant tortillard nous dépose, 74 kilomètres plus au nord, à Esbjerg. Pas possible de prendre le moindre ticket, l'appli nécessite d'avoir une adresse scandinave....
Premier camping après un court tronçon de 8 kilomètres pour humer l'ambiance. Il fait beau et bon et il y a un vent de SE (de terre) qui va nous pousser les prochains jours.

Dimanche 20 juillet. Dans un premier temps, sur cette V1 qui fait 564 kilomètres au total, c'est très tranquille : petites routes goudronnées, linéaires, lorsque nous quittons la baie Ho pour traverser de grandes forêts (Aal Plantage) agrémentées d'installations militaires puis nous rejoignons le littoral à Vejers Strand : la dune littorale est suffisamment haute pour nous empêcher de voir la mer du Nord :

En milieu d'après-midi, on arrive au Ringkøbing Fjord, grande lagune d'une vingtaine de kilomètres de long et bordant la mer du Nord. L'orientation du vent fait que la navigation est possible à cet endroit (12 à 15 noeuds), j'avise un coin mais c'est un camping et on a choisi d'aller jusqu'à mi-distance du fjord :

Cela reste roulant, suivant le diamètre de la caillasse :

Quelques courts passages en sable lorsque la dune dégueule. Bon là, je cherche un appui pour mon attelage afin de prendre quelques photos :

A l'entrée de Hvide Sand, je me rassure en voyant des ailes en l'air :

C'est un centre mais dont l'accès est payant (55 DKK soit environ 7 euros). Les spots du coin sont bien décrits sur le site du centre (https://westwind.dk/pages/lokationer/hvide-sande-syd). Ce n'est pas dans ma nature de payer pour kiter et puis le vent a baissé, je passe mon tour et on décide de s'installer au shelter de la ville qui est dans un recoin du port sud. On arrive les premiers mais le problème des shelters accessibles et réservables (une minorité), ce que la règle du premier arrivé ne sert plus. On s'installe quand même et comme je suis pas loin au nord du spot repéré, je m'équipe rapidement et déploie mon aile sur place et prêt à partir, je sens le vent qui tombe, quelques gouttes de pluie, je vois les ailes au loin qui tombent. Tant pis pour cette première session.
La carte topo des spots visés (le point le plus haut est la plage du shelter du soir). Il y a un autre spot officiel au nord du canal, évidemment sur la façade de la mer du Nord et vers la ville de Ringkøbing :

Lundi 21 juillet : bonne pluie au petit matin mais le ciel nous épargne pour le petit-déj et le pliage. On poursuit sur la bande de terre, on traverse Thorsminde, avec une première vue sur la mer du Nord, jusqu'à présent la dune littorale nous la cachait.
Carte de la zone sur 100 kilomètres, du sud (à gauche) au nord (à droite) :

Le temps est resté couvert mais pas de pluie. Et pas assez de vent pour tester le spot sur place, dans le Nissum fordj. On prend un peu de la hauteur (45 mètres) pour voir enfin le littoral de près et cette côte qui a été protégée des assauts de la mer du Nord :

Superbe portion, entre les ponctuations des digues (sur un premier tronçon de 10 kilomètres) et des éoliennes au large.
La falaise est tout de même attaquée, la V1 disparaîtra un jour :

Le phare de Bovbjerg, pas encore déplacé :

Toujours dans l'esprit de la série Le Prisonnier, nous découvrons à Harboøre un camping sans accueil humain, tout est géré via un terminal avec des codes d'accès. Une jolie étape ce jour, on commence les choses sérieuses, presque 90 bornes, sans le vent qui pousse et toujours les kilos à transporter. Dessert du soir, les énormes baies danoises, après avoir mangé un fish & chips dans le seul endroit ouvert : un centre sportif....

Mardi 22 juillet, vers 11 heures, on revient à l'abri de la dune littorale mais pas de la pluie.
Ambiance "mon vélo, moi et ma ligne de conduite" :

On taille pour faire quelques courses pour le midi et prendre le petit ferry à Thyborøn :

Au débarquement, gros grain sur cette partie linéaire entre terre et mer, on est littéralement trempé. Puis le soleil revient timidement et on se retrouve en forêt sur terrain assez souple :

Espace plus dégagé, comme le ciel, on sèche progressivement sur le cheminement en revêtement type gore bien tassé :

Camping à Klitmøller, même si on a eu le temps de sécher. Enfin pas les chaussures... Heureusement, quelques rayons de soleil :

65 km au compteur aujourd'hui, la brosse à dents a servi de nouveau pour nettoyer la transmission (sable, débris végétaux et bouts de limaces). Plage à 2mn à vélo (plage des bunkers), je vais faire un repérage en soirée, 5 à 8 noeuds faiblissant. Je discute avec un kiteur zurichois qui a fait l'après-midi en foil. Vent d'ouest, très peu de marée, on verra demain :

La carte du coin, avec, d'ouest en est, trois spots référencés du "cold Hawaï" : plage des bunkers (proche du camping), plage du centre et plage de la dune :

Mercredi 23 juillet : déplacement d'un petit kilomètre à vélo pour chercher un vent "on". C'est la plage du centre de Klitmøller : un kite sur l'eau, une femme en surf strapless et 12m2, je m'empresse de la rejoindre :

Première session kitesurf au Danemark, enfin, 8 à 13 noeuds de NO en Pulsion 12m2 (voile orange) et baptême de la planche Gong Pie :

Vagues mieux formées (mais pas bien grandes quand même) vers 11h quand le vent forci. Eau pas froide, joli spot :

Après un petit break (j'aide à poser la Flysurfer 15m² de ce foilkiteur suédois, compétiteur d'après le sigle sur son foil et le soin presque maniaque quant au choix de la zone pour poser son aile), j'y retourne :

Avec vue sur le spot, pour les froides conditions (27 euros l'heure) :

Une petite vidéo de navigation :
Je plie vers 11h30 pour lever le camp du camping (départ pour midi max.), après rinçage de rigueur au surf camp, très pratique. On redémarre à vélo vers 12h30 et ça y est, on a le vent partiellement de face. Longue ligne droite dans une lande avec la mention "courants forts" :

On rejoint Hanstholm, sorte de bout du monde et lieu avec deux particularités : la colline de la pointe à 64 mètres ayant accueilli moults bunkers (WW II) et autres infrastructures de télécommunications ainsi que l'orientation de la côte qui change :

On quitte la V1 pour se hisser sur la colline qui s'allonge vers l'est. On tombe par hasard sur un shelter dans une clairière mais il n'est que 15h et on ne voit pas le littoral :

Puis, belle route panoramique, avec la surprise de voir, dans une trouée vers Vigsø, une Moustache qui vole :
On arrive rapidement dans un joli camping, très étendu sur le plateau. Bon, la vue des voiles de soaring m'a chauffé, je dévale la pente pour traverser la V1 et trouver une étendue sableuse pas très large, constituée de sable et d'une étrange roche blanche très abrasive. Apparemment, c'est un site majeur pour le soaring :

Bon, c'est pas tant le terrain rocheux qui me gêne mais un vent qui ne rentre pas bien. Cela me rappelle les falaises du sud du Portugal qui le freinaient. Hélas, pas de session kite aujourd'hui :

Jolie adaptation ridelle-terrasse sur Mercedes Atego :

Le lendemain, jeudi 24 juillet, on rejoint les mauvaises terres en contrebas, pour longer un littoral très sauvage, entre landes et forêts partiellement plantées :
On triche un peu avec la V1 pour rejoindre la série de strands au bord de l'eau.
Thorupstrand, magnifique :

Un fish'n chips, très bon. Il y avait foule de locaux, on avait loupé celui d'Hanstholm et ça faisait envie, non ?

Plus loin, dans l'après-midi, Slettestrand, avec un chouette petit musée directement sur site qui explique la tradition de la pêche, la construction des bateaux et le système de mise à l'eau (et de sortie) de ceux-ci dans une côte sans port :

De la place mais vent trop faible pour sortir une voile :

Finalement, grosse étape aujourd'hui (86 km) avec du relief et des terrains moins roulants : la mono-roue d'Alexis se débrouille très bien. Itinéraire sans voiture, pas de ville et les traversées de forêts sont bienvenues : ça coupe du vent quand même présent et ça fait un peu de fraîcheur. Nous arrivons à la plage de Blokhus en fin de journée : étrange occupation de l'espace, où les plagistes bronzent au cul des bagnoles, voire pour certains dans le coffre...

Camping à l'entrée de cette station balnéaire assez importante, repas-bière pris au festival musical local dans le centre. Je vise les prévisions, ça peut le faire demain.
Vendredi 25 juillet, départ équipé, 10 heures à l'eau :

Deuxième session de kite, plage vide, vent pas si fort (8 à 12 noeuds max), je sors la Kitech 9m2 histoire d'être plus à l'aise sur les vagues (plusieurs trains, longues mais vagues cassant rapidement) :

Joli shorebreak, conditions de navigation plus difficiles car je suis un peu sous-toilé pour gagner au vent. Et le surf qui s'avère très léger et qui file parfois trop vite. Enfin, c'est un peu le chantier, j'ai du mal à trouver de bons appuis :

Pause rapide :

Etat des lieux :
Fin de session vers 11h30 pour un petit rinçage et le pliage du camp. On repart en direction de Klithuse. La V1 serpente dans l'arrière-zone de la dune, de petits chemins permettent de rejoindre les résidences d'été accessibles par des pistes :

Utilité de la mono-roue :

Un bunker et une maison d'été (de rêve) surplombant le littoral depuis Blokhus :
On rejoint la mer au Strand Grønhøj. Ce futur tronçon nous interrogeait en termes de roulabilité. Finalement, c'est une route officielle sur la plage. Je teste, c'est plutôt dur, ça joue, on se lance pour 6 kilomètres de rêve. Le panneau blanc indique le conseil suivant : "Il est recommandé de ne pas conduire plus près de l'eau que 20 mètres".

Avec le vent dans le dos, dans une incroyable ambiance :

Sortie à Løkken pour la pause repas, petite ville pittoresque. Il y a toujours moyen de trouver des trucs sur la route :

Et des endroits et des copains pour se protéger :

Pour nous, c'est soirée shelter-grillade, pas loin de Nørre Tornby, après une petite journée vélo cause session kite (55 km) :

Samedi 26 juillet, lever tranquille et pliage du camp rapide et à 15mn du shelter, j'ai juste le temps de me chauffer les cuissots pour une session velue mais magnifique sur le strand :

Plage plus que vide, je pars un peu avant (9h30) que les sauveteurs s'installent :

16 à 20 noeuds de SO, de grosses vagues partout, en vent side légèrement on, cela risque d'être intéressant et en 9m2, cela risque d'être bien toilé :

Un deuxième shorebreak plus au large, et le bord rentrant est un régal :

Baigneurs locaux en peignoir :

En bord rentrant, je vois une tête dans le flat entre deux vagues. Un baigneur ? Non, elle est sombre. Je vais vite et le temps de penser à une bouée (bizarre ?), je distingue enfin la tête d'un phoque qui plonge devant moi, à une dizaine de mètres. Sur site, un autre kiteur (plus gros que moi!) en twintip et 10m2 est arrivé en milieu de session :

Fin de session à 11h (ce fût court, physique mais magique), douche et rangement à l'abri de la zone camping car.
On poursuit vers Hirtshals et ce vent qui pousse :

Lumière terrible sur ce port qui fait la liaison avec la Norvège :

Toujours un bon swell, on mange au port (fish'n chips bien sûr) :

L'hôtel le plus moche du monde (en version LEGO
) surplombe un panorama de fou :

A Uggerby Å, on se faufile dans une zone humide et on tombe sur un spot incroyable, sauvage, avec une belle rivière qui se jette dans la mer du Nord. Et une plage à se damner :

Un shelter est pas loin de cette ferme-moulin :

Mais le plan, c'est d'arriver à Skagen. C'est la fin de la V1, 62 kilomètres d'un superbe tronçon, magnifié par un soleil radieux et, double jackpot, par un vent bien puissant dans le dos.

Coucher de soleil à 21h40 depuis Grenen :

Le bout du bout, entre mer du Nord et Baltique :
